Le Monstre du Grenier [Libre]

Invité

Premier Post

Il était huit heures passé, mais Rose ne parvenait pas à se décider de mettre les voiles et de redescendre dans la salle commune afin d’y retrouver ses petits camarades – ou pour les nommer d’une manière plus pertinente : tous ceux qui se trouvaient dans la même galère qu’elle. Quelque chose grondait dans les entrailles de Poudlard, tous le sentaient mais certains seulement prenaient la peine de tendre l’oreille. Ces derniers temps, Rose errait comme une âme en peine, cherchant désespérément un sens à ce qui se passait entre ces murs millénaires. Pourtant, tout cela manquait cruellement de logique, et ce qui ne pouvait s’expliquer rationnellement (et cela même d’un point de vue sorcier) inquiétait Rose au plus haut point.
Depuis le matin qui avait suivis le banquet, il n’y avait plus aucune trace des professeurs. Oh, bien sur, il y avait des élèves qui ne se plaignaient pas vraiment de l’absence de cours, mais Rose aurait de loin préféré une interro surprise devant toute la classe à ce qui arrivait maintenant, car elle pouvait comprendre, cerner et tenter de maîtriser la peur d’une mauvaise note ou celle des moqueries de ses camarades, mais la peur qui hantait Poudlard en ce moment ne semblait pas porter de nom précis et semblait avoir décidé de ne pas se laisser cerner aussi facilement.

Depuis le début du mois, Rose hésitait à écrire à son père pour le mettre au courant que quelque chose ne tournait décidément pas rond à Poudlard, mais elle ne trouvait pas les mots pour exprimer ce qu’elle ressentait sans trahir sa panique, et son père ne devait surtout pas s’inquiéter pour elle, lui qui était tellement fière de sa sorcière de fille. Comment lui dire alors qu’elle se sentait comme prise au piège dans sa propre école, alors que son père s’était saigné aux quatre veines pour l’y envoyer dans les meilleures conditions ? Or, elle ne pouvait pas non plus prétendre que tout allait bien dans le meilleur des mondes, chose dont elle se sentait bien incapable.
Dans sa détresse, Rose avait opté pour une solution de rechange en attendant une idée brillante : armée de son polaroïd seconde main, elle s’était mise à prendre des photos de…de tout. Elle en envoyait une par semaine à son père : des armures dont le heaume était détourné à 180 degrés, des ombres étranges dansant le long des murs, des statues qui souriaient d’une manière suffisante, comme si elles en savaient beaucoup plus que n’importe qui dans le château.

En ce moment, Rose se trouvait assise dos au mur, les yeux tournées vers le fond du grenier, son appareil photo étroitement serré entre ses mains. Elle aimait voir le soleil dessiner des ombres étranges sur la pierre, mais depuis des jours, le soleil ne s’était plus montré, à croire qu’il avait eu la bonne idée de prendre la fuite à temps. En ce moment, il n’y avait que le bruit de la pluie qui tombait inlassablement et transformait les chemins autour du château en marécage. Rose retint son souffle lorsqu’une faible source de lumière venant de l’extérieur éclaira le fourbi qui se trouvait entassé dans le grenier. Le vieux portemanteau dans le coin devint alors, l’espace d’une seconde, le corps squelettique d’une vielle femme portant un gros sac à main.

Rose leva son appareil et pris une photo.

Invité

Oh non ne pleure pas mon ange
Non ce n'était qu'un mauvais rêve
Mais tu sais qu'en ces jours étranges
Le monde crève

La pluie frappait contre les vitres, et ces paroles ne cessèrent de revenir dans sa tête tel un écho incessant. Assise prêt de la fenêtre, les yeux dans le vide tout chatoyants du reflet déjà assombri d'au-dehors, Fay ne prêtait plus attention au brouhaha de la salle commune. Ces derniers temps, les rires enthousiastes s'étaient mués en de petits murmures, les conversations se voulaient moins spontanées et moins pétillantes. Chacun se sentait épié, et d'aucun ne souhaitait avoir le même destin que ces mêmes professeurs tous disparus. L'âme des Serdaigles s'en était allée. La Maison bleue et argent, ne comptant quasiment que sur son savoir, se voyait dépérir de jour en jour du fait de la disparition des professeurs. Au sein du château, tout n'était que soupçon et fatalité. Les moments de joie étaient rares, et les idées noires prenaient vite le dessus.

La plume de Fay glissa sur son journal par un geste d'inattention. La jeune fille détacha alors les yeux de la fenêtre pour les poser sur la table de bois. D'un geste sec, elle referma son livre à la reliure de cuir et soupira d'ennui. Ses yeux ne balayèrent plus rien. Ni la table, ni le journal intime, ni la vitre battue par la pluie drue. Ils se figèrent un instant, comme pour ne plus exister. Un instant elle s'imagina converser avec la Faucheuse, celle-là même qui peut-être, était partie chercher les professeurs. Alors elle se serait prostrée, lui aurait demandé qui elle était, et la Mort grommelant ne lui aurait pas répondu. Un silence percé par une conversation de grande importance au vu de tous ces élèves qui écoutaient avec attention la fit sortir de ses pensées.

- Williams n'est pas revenue. Elle est partie hier avec son sac sur le dos...

- Hein ?

- Elle disait qu'elle voulait partir de cette école...

- Elle est folle ?

- Précisemment à vrai dire. Je pense que tout ce qui se passe en ce moment lui a fait perdre la tête.

Des murmures interrogatifs et appeurés s'élevèrent dans la salle. Fay se tourna vers la petite troupe de cinquième année assise autour du canapé. Aucun mot ne lui vint à l'esprit, pas même une pensée. Son envie de ne plus exister avait du fonctionner, finalement. Alexandra Williams était une jolie jeune fille aux cheveux blonds toujours gaie et joyeuse. Mais les évènement avaient fait d'elle une coquille vide prête à exploser à tout moment. Ayant peur que cela ne lui arrive également, Fay reprit ses esprits.

- Peut-être a-t-elle réussi ?

De nombreuses têtes se tournèrent vers elle, et Fay se figea un instant, gênée par tant d'attention. Un grand brun se leva de sa chaise et esquissa un sourire.

- Toujours le mot pour rire p'tite soeur.

- Oui faut dire que la situation est hilarante. Des professeurs disparaissent, les Elfes de Maison jurent voir une brume planer dans le château, et chaque jour quelqu'un se fait blesser voire pire. Et pour couronner le tout, nous n'avons aucun contact avec l'extérieur. Alors arrête avec ton ironie à deux noises.

- Tu penses à quoi? Trouver un moyen de contacter l'extérieur ?

Des murmures s'élevèrent de plus belle, avec enthousiasme. Des sourires s'esquissaient sur des visages jusqu'à présent dépités. Fay entendit même ici et là le nom de l'illustre Harry Potter. Il était temps de calmer tout ce monde, afin de ne pas poser la barre des rêves trop haut.

- Je ne pense pas que ce soit faisable. On ne sait rien de ce qui se passe. Une fois qu'on connaitra les rouages de cette machinerie, oui peut-être...

-Alors on doit se renseigner !

Les voix basses se muèrent en des échanges enthousiastes. Fay, désagréablement surprise par le vent de révolte qu'elle venait de soulever par une simple phrase, haussa les sourcils d'étonnement. Quels naïfs. Tous autant qu'ils étaient. La jeune fille ne pouvant plus supporter cela, se leva brutalement en grommelant haut et fort un "C'est beau de rêver", et ce fut les poings serrés qu'elle sortit de la salle. Et elle était bien décidée à leur ramener une preuve de leur déconfiture, n'importe quoi pourvu qu'elle pouvait leur prouver qu'ils ne pouvaient rien y faire. Sa marche se fit rapide, c'était avec colère qu'elle parcourait les couloirs, son ombre affligée dansant au rythme des torches fixées aux murs. Le tonnerre ne tarda pas à se faire entendre. Le ciel aussi était mécontent, le tout était de savoir pourquoi.

Bientôt Fay se retrouva dans un lieu où elle n'avait jamais mis les pieds. Face à elle, une vielle porte de bois vermoulu se tenait presque narquoise. Tout autour d'elle respirait la poussière et l'ancienneté. Fay jeta un coup d'oeil au-dessus d'elle, et voyant la charpente apparente elle en déduisit qu'elle se trouvait au grenier. Quelques flash d'une lumière blanche passèrent sous la porte, ce qui attira son attention et la poussa à entrer. A peine eut-elle avancé un pied qu'elle fut fusillée de cette même lumière. La jeune fille se frotta alors les yeux, les laissant se réadopter à l'obscurité des lieux. Fay grommela quelques instants, avant de poser son regard au devant. Une jeune fille était prostrée contre le mur, appareil photo en main.

- Je savais pas que j'étais si populaire pour que tu me prennes en photo, dit-elle avec un léger sourire. Mais tu fais quoi là ?

Invité

Durant un instant, la lumière aveuglante du flash avait plongé le décor dans un éclair surnaturel. Puis la vieille femme dans le coin redevint un innocent portemanteau et la magie fut rompue par le vrombissement de la photo qui sortait de l’appareil. Tout ce qui restait était un grenier plein de vieilles choses, de poussière et peut-être peuplé de quelque rats….bref, tout sauf un endroit idyllique et magique. Pourtant, Rose hésitait toujours à se lever et à quitter les lieux. Pourquoi redescendre dans la salle commune des Poufsouffle ? A quoi bon échanger le silence poussiéreux du grenier à celui, tendu et presque menaçant, de la salle commune ? Ici, au moins, le silence qui régnait lui appartenait tout entier, contrairement à celui qui s’imposait dans sa salle commune, qui était collectif.

Les choses avaient changé à Poudlard. Oh, bien sur, Rose n’avait jamais été du genre bavarde, mais ces dernières années, elle avait appris à apprécier la simple écoute des bavardages de ses camarades, faisant d’elle une véritable mine de potins intéressants qui ne les dévoilait pourtant jamais. Maintenant, les choses étaient différentes : Rose évitait de prendre place dans les salles lorsque d’autres élèves s’y trouvaient, même si il s’agissait d’élèves qu’elle connaissait. Lorsque le silence était brisé, ce n’était que pour parler à voix basse des choses étranges qui se passaient à Poudlard. Depuis le début de l’année, deux élèves de sa maison avaient tenté de prendre contact avec l’extérieur, une délégation composée de trois élèves de maisons différentes était même partie en éclaireur…une seule personne en était revenue, et depuis qu’on l’avait retrouvée, elle ne parlait plus.

Rose soupira. Pourtant, elle ne pouvait pas passer toute la nuit ici…oh, il n’y avait plus ni préfet ni concierge pour lui dire quoi que ce soit, mais l’ombre d’une routine scolaire qui restait à Poudlard l’invitait à redescendre dans la salle commune des Poufsouffle.
Soudain, Rose retint son souffle : Là…elle avait entendu des pas…les esprits avaient-ils des jambes ? Certes, les fantômes de Poudlard étaient immatériels, mais il n’y avaient pas qu’eux qui flottaient à travers les couloirs et, d’après ce qui se racontait, il y avait bien pire. Un soir, Rose avait même cru voir deux elfes de maison s’incliner devant un nuage de brume blanchâtre…non, elle n’avait pas cru le voir, elle l’avait vu – le moment était mal choisi pour mettre en doute ses capacités d’observation…

Un nouveau bruit de pas. Les doigts de Rose se crispèrent autour de son appareil…qui pouvait donc venir ici ? Personne ne venait au grenier…cette entité venait-elle la chercher ? Mais pourquoi elle, et pourquoi maintenant ?! En savait-elle trop ou se trouvait-elle simplement au mauvais endroit ?

Au moment où la porte s’ouvrit, un flash éclaira une nouvelle fois toute la pièce. A force de serrer l’appareil, Rose avait déclenché la photo. Un instant plus tard, l’appareil cracha la photo, où se dessinaient déjà les ombres de la pièce et où allait apparaître la créature qui venait d’entrer….
- Je savais pas que j'étais si populaire pour que tu me prennes en photo… Mais tu fais quoi là ?

Lentement, Rose leva la tête. Sur sa photo apparaissait lentement la silhouette d’une jeune fille qui devaient avoir un ou deux ans de plus que la Poufsouffle…d’ailleurs, un esprit se serait bien gardé de faire ce genre de remarque.
Or, maintenant, que Rose avait réalisé qu’elle n’avait pas à faire à une créature des enfers, mais bel et bien à quelqu’un de vivant, la situation n’était pas plus simple pour autant. D’ailleurs, la Poufsouffle préférait discuter avec les fantômes pour de nombreuses raisons…
- "Je…je…", tenta-t-elle une ébauche explication, tout en sentant le rouge lui monter au joues, comme si elle venait de se faire prendre sur le fait. Mais…sur quel fait ? Même si Rose savait qu’elle ne faisait rien de mal ni d’interdit, elle ressentait le besoin absurde de se justifier…ce qui s’annonçait difficile tant qu’elle ne parvenait pas à articuler une phrase cohérente.
- "Je ne voulais pas…te prendre en photo…enfin…je…voulais dire…bien sur que je veux si tu me le demande...mais cette fois..euh...je ne l’ai pas fais exprès…tiens !" Avant de s’enfoncer encore plus, Rose préféra abréger son martyre et tendit la photo dont les couleurs commençaient à apparaître en direction de sa camarade.

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