Sherkane L. Aberkane Serpentard
Nombre de messages : 55 Age : 34 Année et âge du perso : || 16 ans || Sixième année || Maison : Serpentard Coeur ? : Aussi fragile et acéré que la glace, seuls les plus habiles sauront ne pas s'entailler dessus... Date d'inscription : 16/09/2007
Feuille de personnage Citation - dicton: Cher, seras-tu mon lapin blanc ? Joindras-tu la reine de coeur dans son thé de fous ? Relations: Dons: Ne jamais mentir. Il n'y a que la vérité qui blesse...
| Sujet: Eat me, drink me |PV Arty-chou x3| Ven 26 Oct - 15:05 | |
| Hj: voilà, j'espère que ça te plaira =)Nous ne sommes pas aveugles, nous ne sommes que des humains. Nous vivons dans une réalité mobile à laquelle nous cherchons à nous adapter comme des algues sous la poussée de la mer. Nous ne pouvons que vivre en apnée, et tacher de nous métamorphoser pour devenir plantes aquatiques – en somme, nous unir au milieu, dans l’unique but de survivre. Survivre. C'était là l'un des tout derniers objectifs de Sherkane, l'un des rares à avoir survécus à la violation de toutes ces ambitions passées par l'arrivée de ces sanglants meurtriers dans l'imposante école de sorcellerie. Ces tueurs discrets, efficaces, pratiquement invisibles qui sévissaient dans le château et qu'elle se devait de dénicher enfin, pour se préserver du sort qui était en fin de compte la seule véritable finalité de tous ceux qui, moutons de Panurge, demeuraient passifs et bêtement soumis dans ce monde sauvage et sans pitié, où il fallait soi-même devenir un prédateur, faire partie de la race des vainqueurs, pour survivre, pour obtenir la chance d'exister. Ceci, la verte et argent l'avait bien compris.
S'unir au milieu, désormais le seul projet durable auquel avaient abouties ses seize années d'existence. S'adapter. Devenir autre, ou non, plus précisément: changer. Evoluer. Muter lentement dans les ombres du sang, du meurtre. Mais la peur. Nuage toxique qui collait aux murs et aux personnes comme une seconde peau rongée par l'acide. La peur faisait l’effet d’un narcotique, qui annihilait les volontés individuelles et maintenait toute chose dans une immobilité servile, bercée en des rêves sanglants qui ne provenaient pas d’elle. Certains travaillaient encore, pour se raccrocher un peu plus à quelque chose d'un tant soit peu tangible. Mais au bout du chemin, que resterait-il des belles paroles, des beaux sortilèges enseignés par leurs professeurs ? La théorique ne les avait pas sauvé non plus. D'autres essayaient de s'en sortir par des moyens différents: l'union, la résistance. S'unir à qui ? Sherkane n'avait confiance en personne d'autre qu'en elle-même. Les adultes avaient été supprimés, ne restaient que les élèves. Belle technique, car ainsi tous étaient des coupables potentiels. La résistance ? Contre des ennemis invisibles ? Fumisteries. Au final, des sots qui espéraient simplement être heureux, encore un peu avant de mourir comme des porcs, dans une mare de sang. S’accrocher à ce qui existait encore ne servait plus à rien ; à mesure que toutes les barrières humaines étaient abattues par le règne de la violence, tout ce qui demeurait de la raison et du bon sens devenait chaque jour un peu plus éphémère.
Sans doute était-ce sa conscience aiguisée de cette réalité, qui avait finalement ramenée Sherkane à un état qualifiable de "normal". En cela la méfiance, la peur, la prudence – en somme, la lie des sentiments humains – s’étaient déposées puis éteintes peu à peu au plus profond d’elle-même, laissant seulement vivaces l’ardeur, la couleur, l’esthétique. En somme, toute la feuille d’or écaillée qui recouvrait la boîte à musique imprégnée de boue malodorante qu’était son univers. Le monde d’une fée voleuse de cœurs. Indifférente à cette détresse poisseuse qui, tenace, souillait les murs du château, Sherkane lisait. Quel auteur, quelle âme torturée mettait-elle ainsi à nu avec impudence ? Baudelaire. L’extrémité de ses doigts blancs et agiles tournait délicatement, comme si ç’eut été un art, les pages jaunies, cornées du livret, en un mouvement d’une sensuelle lenteur qui faisait presque de ce simple geste une savante caresse. L’élégance ordinaire mais pourtant raffinée de cette jeune femme au livre évoquait délicieusement une peinture de Fragonard, pure en ses traits mais riche en ses couleurs. Une sorte de sourde mélancolie transpirait de son visage pas particulièrement beau, mais harmonieux et soigné, éclipsant son habituelle expression hautaine. Ses yeux d'azur parcouraient avec ardeur les caractères imprimés à demi effacés, tandis que dans son esprit se supperposait l'image d'un visage masculin aux yeux sombres et aux cheveux noirs. La peau de l'être fantasmé était pâle et tirée, animée d'une expression ardente ; ses yeux semblaient se clore de plaisir tandis que tout son être était animé de frissons. Mais cette vision n'était-elle véritablement qu'un fantasme ? Non, Sherkane connaissait cet homme, cette scène, toujours les mêmes, qui hantaient régulièrement ses pensées. C'était son frère, c'était le soir où ils avaient ensemble joyeusement couru au bord du crime passionnel.
Sherkane ferma doucement les yeux, langoureuse Aphrodite perdue dans des souvenirs impies et inavouables. Elle contemplait sereinement la dégénérescence de son être, la ruine de son adolescence. Essence salie, âme entachée d’un péché de chair indélébile. Inceste. Et pourtant, elle demeurait une petite « queen of hearts » parfaite. Parfaite dans son imperfection, sa déliquescence. A cette heure matinale, la Grande Salle était vide, et apparemment silencieuse. La lumière du soleil de septembre, d’une chaleur de jour en jour décroissante traduisant l’agonie de l’été assiégé par la tiédeur languissante de l’automne, filtrait à flots à travers les immenses fenêtres de verre, dissipant lentement les ombres du feu ronflant dans l’imposante cheminée, maculant de tâches plus claires le sol dallé. La pièce était sereine, lumineuse et figée. Bien que ce fût l’endroit du château où s’accomplissaient les plus grandes futilités [les rumeurs propagées, les conflits qui éclataient, le brouhaha permanent des élèves...] son aspect était d’une sévère austérité, avec son sol dallé de pierres, et les quatre tables correspondant à chaque maison alignées dans un parallélisme soigné. Ses prunelles semblables à deux saphirs s’attardèrent avec indolence sur celle des professeurs outrageusement vide. Les enseignants, qui représentaient l’ordre, la continuité, le bon droit des Sang-de-Bourbe, l’honneur ; tout ce que Sherkane avait au final profondément méprisé.
Au-dessus d'elle, les dernières étoiles mourantes s'éteignaient lentement dans le ciel, illuminant un bref instant la voûte de leur éclat d'argent avant de s'éteindre derrière les premiers rayons du jour. D'aussi loin qu'elle s'en souvenait, la verte et argent avait toujours été fascinée par les astres, et plus particulièrement par ces mêmes étoiles. Etait-ce en raison de leur caractère transcendantal et intouchable, auquel elle s'identifiait ? Probablement. Du moins s'était-elle toujours sentie proche des sphères célestes, ces espaces secrets au sens caché qui ne se révélaient qu’aux yeux élus des êtres nocturnes, propres à rechercher leur beauté dans la nuit. Discrètement, Serkane fronça le nez. Elle n'aimait pas en général l'aspect du monde à la lueur brutale et indiscrète de l'astre solaire si grossier en comparaison de ses divines sphères argentées, guides des plus grands hommes. La jolie vipère s'aperçut alors que, à mesure que sa présence à la table des serpents s'était prolongée durant la nuit, son parfum avait imprégné l'air ambiant. Suave senteur exotique, mélange de musc et de santal, il était orné d’une légère nuance métallique, insaisissable pour le profane mais pourtant présente, comme un arrière-goût familier.
Au bout d'un moment, Sherkane s’étira, se tourna vers la fenêtre la plus proche, puis se frotta longuement les mains ; son visage de cruelle madone était dénué de toute expression, ses yeux clairs semblaient uniquement appliqués à repérer quelques insolents grains de poussière qui se seraient glissés à la racine de ses ongles. Cette tache achevée, elle observa le splendide paysage qui s’offrait à ses regards en étalant toutes ses beautés. Sous la caresse du timide soleil naissant se reflétaient les trésors de lumière du lac miroitant, le ciel n’était que taches de couleurs pures, bleues, roses et orangées. La masse sombre de la forêt qui la nuit avait parue menaçante et pleine d’embûches semblait un amas de vapeur brune et blanche sur le point de se dissoudre, et les collines alentour arrondissaient doucement leurs courbes sous les téméraires rayons qui les révélaient. Même la forme ténébreuse des tours du château ne parvenait pas à déteindre sur ce paysage empli d’un calme stupéfait que révélait progressivement l'avènement de la lumière. Languisamment allongée à demi sur sa chaise, le regard tourné vers la fenêtre devant laquelle elle avait été assise la nuit durant pour échapper à la présence envahissante de ses camarades de chambrée, baignée par la chaleur des lances du soleil comme une vierge déesse aux premiers jours du monde, Sherkane contemplait l'illusoire splendeur du monde, et ce faisant laissa couler de ses lèvres traîtresses les fleurs d'or de mots inaccoutumés:
Morphine - Dans ton île, ô Venus ! Je n’ai trouvé debout, qu’un gibet symbolique où pendait mon image. Ah ! Saigneur, donnez-moi la force et le courage, de regarder mon cœur et mon corps sans dégoût... | |
|