Douce et invitante folie [Alex]

[Désolé de l'immense retard. Je ne sais pas si ce message sera à la hauteur pour m'excuser, mais je te souhaite tout de même bonne lecture!]

I open up my head
Inside I find another person's mind

Il fallait le faire. Il fallait oser. Il l'avait fait, et contrairement à ce qu'il avait pensé, il ne le regrettait pas. Le regret, c'était pour les faibles. Ceux qui n'avaient pas la force d'accepter d'avoir fait un choix, mais sans faire le bon. Lucius n'était pas fait de ce genre-là. Il était plutôt placide et acceptait avec un calme olympien les conséquences de ses gestes. Comme maintenant. Il avait défié Makar, et l'avait battu sur son propre terrain. Même le sang qui avait coulé de ses narines en valait la peine. Même l'éclair de douleur qui lui avait traversé le cerveau. Lucius avait prouvé que, malgré la fusion, il était encore et toujours le maître. Qu'il était le corps et l'esprit, et que le coeur allait en ce sens. L'âme était sans doute déchirée par la présence de l'Esprit, mais depuis longtemps malmenée et lézardée par des blessures qui ne guérissent pas que Makar pouvait tout briser, tout chambouler que Lucius ne s'en portait pas plus mal. Simplement mieux. Le mal fait du bien, alors que le bien fait mal.

Il s'était déchiré. Lucius avait senti son crâne s'ouvrir sous le coup mental de Makar. Le jeune homme sourit, il l'avait cherché. Depuis longtemps il cherchait la manière d'atteindre cet esprit qui se croyait maître dans son être, son intérieur. Lucius venait de lui prouver qu'il était le plus fort. Le meilleur. Enfantin comme réaction, mais cela procurait un bien fou. Une véritable félicité. Aussi délicieuse qu'un bain de sang. De rabattre le caquet de cette créature infâme qui croit, en lui offrant des pouvoirs, dompter la sauvagerie de Lucius Abraxas Malefoy. Cela est bien mal le connaître, incroyablement mal le connaître. Il avait avantage, à cet égard, vis-à-vis de l'esprit qui l'habitait. Il avait vécu longtemps dans son corps, malgré ce changement physique. Il connaissait ses forces, ses adresses. Makar, lui, avait les siècles avec lui, mais passant de corps en corps, ne connaissait rien. Ah, douce saveur de la vengeance.

Il se trouvait présentement dans les Vestiaires de Quidditch, un brin de nostalgie au coeur. Dans sa première scolarité, il avait fait parti de l'Équipe de Serpentard, et de se retrouver à nouveau ici était un certain retour en arrière indéniable. Lucius avait vécu beaucoup de choses en ces lieux, et particulièrement sous les douches qu'il balaya d'un regard moins froid qu'à l'habitude et un léger sourire esquissé aux lèvres. Que lui prenait-il? L'allégresse est humain, et rend plus apte à subir l'assaut de la nostalgie. Qu'importe, la joie était trop forte pour ne pas emporter avec elle un flot de sentiments. Pour le peu de fois que le jeune homme en avait, aussi bien en profiter, seul, là, maintenant. C'était simple. C'était parfait. Désuet aussi. Il était bien, euphorique, comme drogué par l'allégresse. Dieu que c'était bon.

Lucius se permit pour une fois de se laisser aller. N'était-il pas justement seul. Pourquoi ne pas profiter de la sérénité qu'offrait les Vestiaires pour être témoin de ce jour mémorable, le jour où il aurait laissé de côté, ne serait-ce que pour quelques instants, ce masque d'impassivité et sa cruauté. Le temps de se rappeler. Le temps d'apprécier ce qu'il est et a été. Aucune effusion de sentiment. Aucune émotion, si ce n'est que ce sourire énigmatique qui lui collait aux lèvres, léger, très léger. Lucius restait Lucius, on ne change pas un homme après une victoire. Le Serpentard avait beau chercher Makar, il ne le trouvait pas. Lui avait-il inculqué un peu de respect? Peut-être. Certes, on pouvait lui féliciter son entêtement et sa détermination. Son endurance, aussi, mais c'était à force. L'habitude. Ce n'était pas son premier coup. Loin de là. On lui avait inculquer ce qu'il se devait de savoir, et Lucius s'était toujours fait un point d'honneur à honorer son nom. Lucius Abraxas Malefoy. Il redescendait sur Terre depuis bien longtemps, laissant son monde forgé dans la mort et dans le sang, histoire de redevenir le garçon de dix sept ans qu'il a déjà, et à nouveau, été.

Il se rappelait Evelyne. Sa première conquête, pour ainsi dire. Elle l'avait rejointe ici, dans les Vestiaires, alors qu'il traînait. Après avoir reçu un Cognard sur le bras, il s'était fracturé un os. Trop fier pour l'admettre, il avait terminé la partie, avec Victoire pour les Verts et Argents. Trop fier pour se rendre à l'infirmerie, il s'était replacé l'os l'un d'en l'autre, mordant avec violence ses lèvres pour taire la douleur. Il en avait ressenti, ce jour-là. Tellement mal qu'il avait du goûter à son sang pour s'apaiser. Tant de souvenirs. Tant de pensées. C'était incroyable. Lucius passa la main sous son nez pour recueillir les dernières gouttes de sang qui y perlait. Trop précieux, il décida de rendre son sang à ses ancêtres. Le jeune homme se redressa, et se rendit près des douches, avec un sourire amusé aux lèvres. C'était la toute première fois depuis une éternité...